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Réputés
pour leur savoir-faire et la qualité de leurs bois de chêne, les
tonneliers français surfent sur une image ancestrale et artisanale.
Mais, dans les faits, la qualité est-elle systématiquement au
rendez-vous ? Depuis peu, plusieurs polémiques brûlantes sont
relancées. Immersion au cœur du business des barriques. Une enquête de Thomas Bravo-Maza
Waidhofen
an der Ybbs.
Bienvenue à la tonnellerie Stockinger. Aucun doute, nous sommes en
Autriche, dans un décor vallonné et verdoyant typique, à deux
heures de route de Vienne. Ce tonnelier pas comme les autres n'aime
ni les panneaux, ni les images, ni les sites Internet. Marketing
degré zéro. Et pourtant, la clientèle a pour nom Gauby, Germain,
Chave, Jamet, Jobard, Arretxea, Pavie-Macquin, Roulot, Clinet. Pour
n'en citer que quelques-uns. Dans cette région cidricole où il ne
reste plus que quatre tonneliers, le père de Franz Stockinger a
repris l'entreprise en 1959. Jusqu'à la fin des années 80, les vins
étaient élevés en cuves béton revêtues en epoxy, les affaires
n'étaient pas florissantes pour les tonneliers. Et puis il y a eu le
scandale des vins autrichiens trafiqués à l'antigel, qui éclata en
1985. Seule issue possible : la qualité. L'un des premiers
vignerons à faire confiance aux Stockinger sera le toscan Antinori
pour ses célèbres cuvées Solaia et Tignanello. Les plus grands
vignerons piémontais suivront, puis les allemands et le français.
Production annuelle de ce tonnelier haute couture ? 1500 fûts
et 250 foudres tout au plus. Origine des bois ? A 80%
d'Allemange et Autriche, le restant provenant de Hongrie (sud du
pays), Roumanie (Transylvanie) et Croatie (Slavonie). Sur place,
comme nous avons pu en juger, rien d'innovant mais un souci de la
qualité dans le moindre détail, depuis la maturation – lente -
des bois dans le parc jusqu'au suivi chez les vignerons. Dès 2005,
le Domaine Arretxea a eu le coup de foudre pour son travail sans
esbroufe « qui va dans le sens de nos vins, souligne Thérèse
Riouspeyrous, et donne en bouche des finales très intéressantes, un
peu comme une vallée fraîche qui s'ouvre ».
Les
tonneliers français symbolisent-ils toujours la référence
mondiale ? La vigneronne d'Irouleguy répond moins poétiquement
mais sans ambages : « Ah Non ! Les français ne sont
plus les seuls à fournir des fûts au top ! » Une
évidence, pourtant : la tonnellerie, « made in France »
reste un must, notamment en terme d'image pour les vignerons.
Résultat, la santé économique de la filière tonnellerie se porte
plutôt bien et confirme son leadership mondial. « Avec 300,7
millions d'euros de Chiffre d'affaires en 2011 et 502.000 fûts
vendus dans le monde, nous avons enregistré une augmentation
annuelle de + 6 % en valeur et +3,3% en volume », précise
Jean-Luc Sylvain, président du syndicat français de la tonnellerie.
Ces chiffres s'expliquent en partie par une tendance forte depuis
quelques années : la « premiumisation des fûts ».
Inventaire à la Prévert : barrique « T5 » de
Taransaud, « Icone » de Seguin-Moreau, « Premium
by Jean Vicard » chez Vicard, « Magic cask »
chez Dominique Laurent, Premium de Saury, « X-Blend » de
Radoux, « eXclusive » chez Damy, « Collection »
de Sylvain, « Colbert » de Nadalié, « Culte »
de Baron, quel gros tonnelier n'a pas sa barrique Premium ? Tout
cela fleure bon les effluves de chêne haut de gamme, mais les prix
de vente flirtent, eux, jusqu'à 1200 euros pièce, le double du prix
moyen.
Nous
avons remonté la filière pour rapidement constater que derrière
les bons chiffres de façade de la filière se cache une réalité
nettement plus alarmante pour les tonneliers : les prix du bois
qu'ils achètent ne cessent de flamber. Selon nos sources, le coût
de la matière première représente 50% environ du prix d'une
barrique traditionnelle (de 225 à 228 l.). Bien plus qu'on ne le
croit. Toute variation de prix du bois brut a donc un impact direct
sur la marge des tonneliers. Or les hausses de prix annuelles, si
elles ne se limitent qu'à 3 à 5% par an pour les lots les moins
qualitatifs, « sont de l'ordre de 15 à 30% par an pour les
origines les plus recherchées » comme le confirme Jérôme
François, président de la tonnellerie François Frères. En tablant
sur une hausse moyenne des prix d'achat du bois de 20% par an, le
calcul est vite fait : si les tonneliers répercutaient
l'intégralité de la hausse des prix, une barrique vendue 650 euros
actuellement se chiffrerait dans dix ans à plus de 2700 euros...De
quoi donner le vertige.
Le
jeu du chat et de la souris. Chaque
année, à l'automne, lors des ventes aux enchères de bois les plus
réputés issus des
massifs forestiers de haute-futaie du centre de la France, c'est la
même rengaine, dans la salle, la tension est à couper au couteau
car ce sont les mêmes coupes qui intéressent les mêmes personnes,
de vénérables arbres – de 200 à 300 ans - au tronc de diamètre
important et régulier, au grain de bois d'une finesse
exceptionnelle. Patron de la société de merranderie Sogibois,
Bernard Gendre raconte : « en octobre dernier, pour la
vente de lots de la forêt de Bercé, nous étions entre 10 et 15
acheteurs potentiels par lot, c'est de la folie, je suis très
préoccupé, d'autant plus il
y a des qualités de lots qu'on ne reverra plus, l'offre n'a
malheureusement rien plus à voir avec ce qu'elle était il y a dix
ans ».
Ambiance. Changement de décor dans le bureau de l'un des barons de
L'Office National des Forêts. A la tête de 1,7 millions d'hectares,
cet établissement public gestionnaire des forêts domaniales vend
aux tonneliers 70% du chêne dont ils ont besoin. Directeur technique
et commercial bois de l'ONF, Bernard Gamblin se doute bien que le
rififi entre les tonneliers et l'ONF est connu. Son argument :
un graphique qui indique une relative stabilité des prix entre 1991
et 2011. Seulement voilà, sur cette feuille de papier, s'il y a
stabilité globale des prix c'est parce que les prix du bois pour la
construction, eux, baissent. Le
président du syndicat de la tonnellerie française accuse :
« L'ONF
a mis en place un système de vente de façon à faire augmenter
artificiellement les prix » s'emporte Jean-Luc Sylvain. De son
côté, l'ancien directeur commercial de la tonnellerie
Seguin-Moreau, Alban Petiteaux, enfonce le clou : « en
mettant sur le marché un volume très légèrement insuffisant pour
faire monter les prix, c'est un peu le jeu du chat et de la souris,
mais un jeu où la souris ne peut jamais gagner". Bernard
Gamblin se défend : « Depuis 25 ans, le volume moyen
récolté se calque exactement sur l'accroissement naturel de la
forêt. Nous ne faisons pas de rétention de bois de chêne ».
Sous
les lambris de l'Elysée.
Pour comprendre ces enjeux considérables, retour en décembre 1999.
La terrible tempête qui vient de balayer la France à mis par terre
trois à quatre années de récolte en une nuit. Plusieurs sources
qui tiennent à rester anonymes nous le confirment : au tournant
du siècle, cette tempête va, de fait, forcer l'ONF à transformer
certains de ses agents en attachés commerciaux agressifs. Au plus
haut niveau de l'Etat, l'administration des forêts est en train de
faire son congrès de Bad-Godesberg. Le patrimoine forestier est
désormais perçu comme un gisement de revenus qu'il faut accroître
à tout prix. C'est tout le sens du message qui sera donné à
Nicolas Sarkozy lorsqu'il sera nommé ministre des Finances, en 2004.
Devenu Président de la République, il nommera Hervé Gaymard - son
successeur à Bercy – président de l'ONF, avec des recommandations
précises comme l'indique la lettre de mission signée par lui en
janvier 2010 : « La contribution de l'ONF(...)au
développement de la valeur ajoutée issue de nos forêts (…)
est essentielle ». Gaymard lui répondra six mois plus tard :
l'ONF « doit
être l’outil d’une politique volontariste en faveur de la
filière forêt-bois ». Ce
qui signifie en langage clair : produire plus de bois, le vendre
plus cher. La mission serait d'autant plus facilement réalisable que
l’Etablissement public avait déjà réformé l’organisation de
ses ventes de bois sur pied, en passant du système traditionnel
d'enchères descendantes à la criée au système actuel par
soumission cachetée à l'appel d'offres. L'ONF dispose dès lors de
l'arme absolue : une base de données ultra complète sur le
moindre de ses acheteurs, ses besoins, et, bien évidement, les prix
plafond qu'il peut proposer. Toutes les conditions semblent alors
réunies pour mettre en place une réforme des ventes vers un système
de contrats de gré à gré appelé de ses vœux par Hervé Gaymard.
Seulement voilà, si un tel système de contractualisation a déjà
été accepté par la Fédération Nationale du Bois, la fédération
des tonneliers, elle, n'en veut pas. Au cœur du problème, de
nombreuses dérives potentielles – de la corruption - que détaille
le patron de scierie Bertrand Robert :« par
ce biais, l'ONF vend ce qu'il veut à qui il veut sans transparence
et sans contrôle. On vend ce qui est demandé par certains acheteurs
peu scrupuleux de l'avenir de la foret française et non pas à
partir de ce qu'elle produit. Il en résulte une sylviculture moins
efficiente, une décapitalisation qualitative des forêts ».
Les braises de la polémique ne sont pas prêtes à s’éteindre
mais les prix eux, vont continuer à flamber. Le
message est clair pour des vignerons déjà très inquiets. Pour de
nombreux Domaines, dans une région comme le bordelais, l'achat des
barriques est, peu ou prou, le poste le plus important de dépenses,
après les salaires. Mieux gérer son parc à barrique devient, par
la force des choses, indispensable. A ce titre, la société H&A
location a inventé un nouveau métier : gestionnaire de parcs à
barriques.
L'idée : ne plus acheter ses barriques mais les louer et en
confier le financement et la revente à H&A. Fondée il y a huit
ans, l'entreprise affiche déjà près de 100 millions d'euros de
chiffre d'affaires et gère une barrique sur deux achetée par les
châteaux bordelais.
Des
douelles dans la cuve.
Les
prix qui s'envolent posent d'autant plus question aux vignerons qui
commercialisent des cuvées élevées en fûts entre 10 et 30 euros
pièce. Nous avons demandé à plusieurs vignerons de nous
communiquer ses prix d'achats de fûts il y a 10 ans. Résultat :
+40% en moyenne. C'est sur ce type de constat que de nouveaux
opérateurs apparaissent, tels Oenowood, société lancée par deux
anciens dirigeants de la tonnellerie Seguin-Moreau, Alban Petiteaux
et François Parthon de Von. Leur credo ? Conseiller les
vignerons sur les questions techniques et commerciales qui peuvent
optimiser leur élevages sous bois et proposer, en courtage, des
solutions alternatives à la barrique traditionnelle. Oenowood
distribue, en outre, le Flexcube, une cuve de vinification et
d'élevage assez ingénieuse dans laquelle on place des douelles de
chêne. Résultat ? Alors qu'une
barrique neuve - amortie sur 3 ans - se traduit par un coût d'levage
de 1 € la bouteille environ, cette technologie permet de diviser la
facture par deux. L'emploi de copeaux de chêne est certes encore
divisé par 2,5 (0,20 €/bt env.). Mais il nécessite une gestion
délicate de l'oxygène car en œnologie, plus le morceau de chêne
est petit, plus l'infusion va être rapide, et plus on va avoir
besoin d'oxygène pour marier bois et vin. Le Flexcube joue, lui, sur
des maturations lentes à l'aide de douelles placées à l'intérieur
du contenant. Intéressant. Mais à n'en pas douter, le succès
commercial de ceux qui commercialisent douelles, copeaux, bâtonnets,
chips, paillettes, dominos ou staves - tous ces produits
sous-produits du business des barriques dénommés plus élégamment
« éclats techniques » ou « bois pour l'oenologie »
- est au cœur de nouvelles stratégies pour de nouveaux
entrepreneurs comme pour les tonneliers traditionnels. Tous comptent
sur ces nouveaux produits « alternatifs » pour conforter
des marges à la baisse sur le segment traditionnel. D'autant que les
décrets d'AOC s'assouplissent peu à peu – tels Saumur ou Coteaux
Bourguignons – et offrent des opportunités énormes.
Vous
en avez rêvé, la barrique « IKEA » l'a fait.
Pour faire faire des économies aux vignerons, certains tonneliers
ont pensé à des solutions low cost qui laissent pour le moins
songeur. Telles ces barriques en
kit qui jouent à plein le concept « do
it yourself », commercialisées par la tonnellerie Renaissance.
Vous recevez au chai 24 douelles identiques, 2 fonds, 6 cercles en
acier galva, 1 bonde en silicone, et il ne reste plus qu'à les
monter ! Le concept Ikea appliqué à la tonnellerie, il fallait
y penser. Renaissance annonce 25% d'économie avec son
procédé Barrikit. Son secret, c'est de réduire
l'usage de chêne noble car, annonce l’argumentaire commercial
« lors de l'élevage en fût, le vin ne pénètre que de 2 à 3
mm dans le bois ». Les douelles sont en fait un assemblage
d'une lame de chêne noble à grains fins à l'intérieur et d'une
lame de chêne commun à l'extérieur. Le placage bois, ça aussi
c'est l'univers d'Ikea! Trêve de plaisanterie, reste pour le
vigneron
à procéder lui-même à la chauffe de bousinage (voir encadré) de
son fût. Nous posons alors la question : peut-on faire croire à
un vigneron que la maîtrise du brûlage d'un fût va de soi alors
que tout l'art de la chauffe est au cœur même du savoir-faire
tonnelier ?
Une
chose est sûre : dans leurs relations avec les tonneliers, les
vignerons se posent des questions et éprouvent plus que que jamais
le besoin d'être rassurés. On les comprend. Pendant des lustres,
la gabegie a régné dans les rangs des tonneliers. Tronçais par
ici, Tronçais par là, au rythme ou les dérives se multipliaient,
la forêt de Tronçais (10.500 ha) aurait fini par devenir plus vaste
que le pays tout entier. En octobre 2010, le couperet tombe. Le
tribunal d'Angoulême reconnaît coupables deux tonnelleries –
Taransaud et Doreau - de tromperie sur la qualité du bois,
prétendument issus de la fameuse forêt de Tronçais.
Un
négociant en bois de Cognac, JG Partner, est en outre condamné pour
avoir « francisé » des bois roumains ou ukrainiens.
Taransaud
a été dispensé de peine car il avait pu prouver que la tonnellerie
avait réagi positivement depuis le dépôt des procès-verbaux des
inspecteurs de la DGCCRF intervenu en 2008. Dans cette affaire, les
attendus du jugement sonnent clairement comme un dernier
avertissement aux tonneliers. Dans la foulée, la fédération de la
tonnellerie s'est empressée de mettre en place une « charte des
massifs forestiers ». Objectif ? Rassurer tout le monde.
Nous nous sommes procuré cette charte. Il y est heureusement demandé
d'abandonner toute communication sur le type (« type
Tronçais », « type Allier », etc) au profit de
« zones géographiques claires, cohérentes et homogènes ».
Mais à y regarder de plus près, ces zones peuvent comporter jusqu'à
30% de bois issus d'une autre zone, d'un autre département, d'une
autre forêt, ou même d'une autre région ! Nous avons demandé
à la fédération de la tonnellerie de se justifier au sujet de
cette disposition laxiste. Pourrait-on en effet admettre qu'un vin de
Bourgogne comporte, par exemple, jusqu'à 30% d'un vin de Loire ?
Réponse du président Jean-Luc Sylvain : « un
relèvement de ce chiffre n'est pas à l'ordre du jour mais si la
profession souhaite que l'on rediscute pour remonter ce chiffre, moi
je suis d'accord ! Lorsque l'on achète une barrique de
Tronçais, elle peut effectivement comporter jusqu'à 30% de bois
hors Tronçais. Maintenant, si le client juge que c'est trop laxiste,
c'est à lui de l'imposer par contrat à son fournisseur de
barriques". Vignerons, à bon entendeur...
Existe-t-il
un moyen scientifique irréfutable pour authentifier l'origine
prétendue d'un fût ? Nous avons questionné laboratoires,
experts et services de la répression des fraudes. Résultat :
aucune méthode physico-chimique ne permet encore d'affirmer de façon
fiable qu'un bois vient de la foret de Jupilles, n'est pas issu de
Bercé, ou même qu'il aurait poussé en Europe de l'Est. Au mieux
sait-on distinguer un bois de chêne blanc d'un chêne sessile ou
pédonculé, mais pas plus. Un brevet (INPI n°2843405) issu de
recherches cofinancées par la fédération des tonneliers a bien été
déposé en 2004, mais il semble n'avoir jamais été exploité. Pour
quelles raisons ? Notre question est restée sans réponse. Pour
autant, de nouveaux travaux intitulés OakTrack en traçabilité ADN
financés par l'Agence Nationale de la Recherche sont en cours sous
la direction de Remy Petit (INRA de Bordeaux-Cestas) et devraient
aboutir cet été. Espérons qu'ils donneront lieu à un brevet...
exploité.
Du
rififi au goût de TCA.
"Il
y a toujours eu de la variabilité qualitative dans les fûts. Dans
les années 2000, sur 10 barriques, il y a en avait six correctes,
deux excellentes, mais aussi deux au-dessous de la moyenne, on dit
que ça s'améliore mais je déclasse encore les vins de trois
barriques sur 15, ça fait vraiment mal au coeur » nous glisse,
dépité, Julien Barrot à Châteauneuf-du-Pape. Il y a pire encore.
Une vraie bombe dans le monde des tonneliers. Son nom : TCA,
trichloroanisole 2-4-6, exactement comme pour le goût de bouchon.
Pascal Chatonnet, l'homme par qui la polémique est arrivée est un
expert, est patron du laboratoire Excell, bien connu sur la place de
Bordeaux. Il n'y va pas par quatre chemins : La
tonnellerie est officiellement dans le déni et cherche à noyer le
poisson. La situation est équivalente a ce que nous avons connu avec
le liège il y a 20 ans. Les tonneliers sont très préoccupés car
ils ne sont pas capables de maitriser seuls le problème ». A
son tour, la fédération des tonneliers a fait savoir que Chatonnet
n'est pas neutre car il commercialise aussi un outil de contrôle de
contamination et que ses recherches étaient incomplètes,
déclaration d'experts concurrents à l'appui. N'empêche. Nous avons
demandé à Cédric Jaeglé, président de la commission technique de
la fédération, de réagir : "La
fédération répond à ces attaques, admet qu'il y a bien problème,
qu'elle se préoccupe sérieusement des questions sanitaires
(chlorophénols) et organoleptiques (chloroanisoles). Nous n'avons
pas agi en urgence pour la raison que nous voulions que le diagnostic
soit assez complet mais avons mis en place des recommandations au
travers de notre charte de bonnes pratiques via les procédures HACCP
(Ndlr, le système qui identifie, évalue et maîtrise les
dangers
significatifs au regard de la sécurité des aliments)". Tous
les tonneliers ont-il pris en compte ces recommandations ?
Touchons
du bois.
Stéphane Chassin, le tonnelier indépendant qui monte en
Bourgogne
Ils
sont quelques-uns, « petits » tonneliers à avoir une
grosse côte, André Vinet, Max Chambeaud, Atelier Centre-France,
Darnajou...et Stéphane Chassin. Cet ancien de Seguin-Moreau qui a
appris par l'illustre père de Jean Vicard, s'est lancé
confidentiellement, à Rully en 2005. Fou de vin (il va goûter chez
ses clients), il a eu sa première émotion à 25 ans chez Ramonet, vigneron devenu client comme le sont devenus par la suite Cécile Tremblay, Vincent Dancer, Le
Clos-de-Tart, le Château de la Tour, Goisot, Tissot, Ganevat,
Raveneau, Serafin, Arlaud, Geantet-Pansiot et, récemment le Domaine
de la Romanée-Conti (en complément de François-Frères). Le secret
du succès ? « Prendre son temps, en simplicité »,
avec une rigueur constante depuis le choix des merrains (chez Camille
Gauthier fille & fils à Méry-es-Bois) maturés longuement, et
usinés au ressenti. Résultat : seulement 5000 futs/an, des
prix raisonnables (600 € pièce) et une liste d'attente...à la
bourguignonne.
Stéphane Chassin, un tonnelier exceptionnel
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« En chiffres »
Le
bois neuf ne représente que 3% de la production mondiale de vins.
Les
deux plus grands chais à barrique au monde sont celui de la Bodega
Juan Alcorta (70.000 fûts) et celui du Groupe Castel, à Blanquefort
(50.000 fûts).
La
France est leader mondial avec 500.000 fûts produits chaque année,
le tiers de la production mondiale de futs. Une large part de la
production mondiale est utilisée par la production d'alcool (le
Bourbon, par exemple, doit passer en fûts neufs).
Independant
Stave Company (marques : World Cooperage, Tonnellerie du Monde,
Quintessence) est leader mondial.
La
France compte 65 tonneliers environ. Les 10 leaders font 80% des
volumes.
Derrières
les marques, les cinq Groupes leaders
François
Frères, coté à Euronext, est leader (140 M€ env.). Il possède
Radoux, Demptos, et le hongrois Trust.
Seguin-Moreau
(filiale du Groupe Oeno) possède la société Boisé France.
Chêne
et compagnie (Taransaud, Canton, Kadar, Garnier, Thales).
Groupe
Charlois (Saury, Berthomieu, Leroi, Ermitage).
Vicard
possède Cadus.
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Le
chêne, trésor de la nature.
Quercus,
l'espèce
mère de tous les chênes,
compte
plus de 400 espèces parmi lesquelles quercus robur, le nom
vernaculaire du chêne pédonculé (ou rouvre), quercus alba (chêne
blanc d'amérique), quercus petraea (Chêne sesille), quercus suber
(chêne-liège) ou même quercus acutissima (au Japon et surtout en
Chine).
Le
pédonculé pousse dans des sols riches bien pourvus en eau qui
favorisent une croissance rapide et produisent des bois à grain
assez gros surtout adaptés aux élevages d'alcools. Assez riche en
tanins et peu aromatique.
Le
sessile, plus recherché, est à grain plus fin, spécialement dans
les hautes futaies. Il a un taux assez faible et tanins mais est
riche en composés d'eugénol (clou de girofle) et methyl-octalactone
(bois frais et noix et coco).
Dans
l'Allier, Tronçais, fleuron d'un système forestier de hautes
futaies impulsé sous Colbert dès 1670 (pour des bois long et droits
pour la Marine), compte quelques-uns des chênes les plus vénérables
de France, tels le Saint-Louis (parcelle 232) ou le Sentinelle
(parcelle 136), de plus de 400 ans. En revanche, le plus vieux chêne
de France (1200 ans) serait celui d'Allouville (Seine-Maritime).
4 mots qu'il faut connaître
Débitage
Après
abattage, les grumes (troncs dont on a coupé tête et branches) sont
débités transversalement en billons puis en merrains, par fendage,
dans le sens des fibres du bois (le sciage rend le bois de chêne
sessile ou pédonculé trop poreux) ou sciage (pour le chêne blanc
américain car ses thylles – fibres – sont plus épaisses ;
plus rentable car 50% de pertes contre 80% pour le fendange) en
éliminant l'aubie (csous l'écorce) et le cœur extrême pour ne
conserver que le duramen (bois fin).
Séchage
On
empile les merrains en tas parallélépipédiques que l’on laisse
sécher au grand air (soleil, pluie, vent) pour dégrader les tanins
lessivables et hydrosolubles, éliminer les goûts séveux et faire
évoluer le profil aromatique des bois. On passe ainsi de 70/80%
d’humidité dans un bois vert à idéalement 14-16%. Polémique :
on peut accélérer artificiellement le séchage en arrosant les
merrains et en utilisant des étuves-séchoirs ? La pratique est
néanmoins courante.
Usinage
(des merrains)
On
transforme le merrain en douelle en travaillant sur ses six faces par
écourtage,
évidage d'une partie du bois sur une face du merrain pour faciliter
le cintrage, dolage (bombe l’autre face du merrain et donne la
forme concave), fléchage (forme en fuseau ) et jointage (donne un
léger angle aux deux chants du merrain pour une bonne étanchéité
entre les douelles).
Bousinage
Seconde
chauffe, dite aromatique. Diminution
des arômes
végétaux de chêne frais, noix de coco, cuir et terre. La teneur en
vanilline et aldhéhydes augmente au début du brûlage puis se
dégrade à partir d’une chauffe forte. Apparition des phénols
(arômes épicés, grillés, fumés et boisés issus de la
dégradation des lignines) et des furanes (arômes
de pain grillé, caramel et amande issus de la dégradation de la
cellulose) avec l’intensité de la chauffe.
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Un business écolo ?
Sur
une parcelle d'un hectare, Il faut 200 ans pour faire naître 100
chênes. Ils vont générer 200 barriques. (2 fûts/arbre).
Résultat : 50 kg de bois qu'on va expédier à l'autre bout du
monde (80% d'export) pour qu'au final seulement 5 à 10 kg de bois -
la couche intérieure des barriques - interagissent avec le vin...