Y a des fois où il faut savoir remercier. Vous ne le savez peut-être pas, dans Le Monde Magazine, dans l'Express, dans Les Echos, dans la RVF aussi, on trouve parfois au cours de la même semaine, du même mois, des sélections des mêmes bouteilles. Coïncidences ? Vous le savez bien, le hasard, ça n'existe pas. Ces bouteilles, ce sont les attachées de presse qui nous les envoient. Ca vous déçoit ? Sachez qu'un journaliste du vin, hormis peut-être Michel Bettane, c'est une femme ou un homme comme tout le monde. Pour tout le monde, la science n'infuse pas, hormis peut-être Michel Bettane, dans des organismes de journalistes, même triés sur le volet. Pour doper l'inspiration du journaliste du vin, rien ne vaut une bonne attachée de presse.
Le grand public ne connaît pas Christine Ontivéro et ses immenses galures. C'est Coffe qui me l'avait présentée, il y a un bail de ça. Il m'avait prévenu, le Jean-Pierre : "fais gaffe, c'est une catalane". C'est vrai, les catalans, ils ont le sens de la géométrie, quand c'est carré, c'est point rond. Quand c'est bon, c'est bon et les bouteilles que Christine envoie, c'est rare qu'elles nous déçoivent. Mais moi, j'ai toujours du retard sur tout le monde, car quand un vin me plait, il faut que je me trouve du temps pour aller rencontrer le vigneron(ne). Pas question de parler d'un vin sans avoir vu l'auteur(e). A quarante ans, vingt ans de vin derrière moi, plus de quarante mille bouteilles passées au crible, ben oui, j'ai bien le droit de faire quelques exceptions. Des coups de canif dans le contrat ? A vous de juger. J'assume. Parce que quand c'est bon, c'est bon. Et là, je me précipite, j'accours vers mon clavier, "Hissez O", c'est très très bon. Dix huit euros la boutanche, c'est donné.
Hissez O, c'est une allure silencieuse mais incroyablement chic. Le goût d'un film comme "La captive "de Chantal Ackerman. Le goût de la soie.
Je vous ai déjà entretenu, à la va-vite il est vrai, des vertus des Terrasses du Larzac. Secteur majeur des Coteaux du Languedoc. Cet "Hissez O" en est issu. Une quasi pure syrah aux accents juteux et lardés de côte rôtie ? Oh, l'étiquette ne dit rien.
"vin non filtré" y est-il écrit. C'est limpide, non ? Quand on filtre de la merde, on boit de la merde. Un vin estampilllé "non filtré" n'est JAMAIS le gage qualitatif de quoi que ce soit, de Ouagadougou à Wellington, qu'on se le dise, j'ai testé pour vous. Faites-moi au moins confiance.
L'interprétation du grand terroir, on le sait bien, nous, prétendus "spécialistes" de vin, ça dépend de tout autre chose. Et certainement pas de ce qui est "filtré" ou non "filtré".
Le talent - et celui du vigneron est tel celui du musicien qui interprète une partition - c'est ce qu'on trouve dans un album comme Fantaisie Militaire (Alain Bashung, 1947-2009) : il s'agit bien pour le vigneron de "malaxer" ce qui lui tient à coeur, de dire "La nuit je mens" mais jamais le jour, "jusqu'en 2043"? Hurler "Aucun Concorde n'aura ton envergure" pour au final avouer que seul compte le vrai toucher d'"angora" ou d'organdi...
C'est ça la prétention démesurée du vigneron, nous faire croire qu'il existe encore une ligne de fuite, une humanité de la renaissance du plaisir dans ce que l'Autre nous apporte. L'Autre n'est pas une menace, c'est grâce à lui que nous buvons ce que nous sommes.
Domaine La réserve d'O.
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C'est promis, j'y vais.