musée de Bolzano
Le vin, c'est une longue et passionnante histoire qui fonde l'idée même de civilisation. Je vous ai mitonné une petite histoire de la vigne, de la viticulture et de la consommation de vin...
C'est un peu long à lire, mais vous allez apprendre plein de choses, le vin mène à tout.
1 Histoire de la vigne
Une histoire longue…Des pépins récemment retrouvés à l’état de fossiles peuvent témoigner que la vigne était déjà sur terre il y a soixante millions d’années, soit bien avant l’arrivée de l’homme. C’est dire si l’histoire de la vigne est ancienne. L’espèce botanique dont est issue la vigne – la famille des vitacées – a donc pu s’enrichir d’un nombre considérable de genres aux quatre coins du monde.
La vigne productrice de vin - vitis vinifera en latin - qui a l’avantage de produire du jus de raisin apte à être vinifié parce qu’il est très sucré, n’est donc qu’une espèce du genre vitis parmi des dizaines d’autres espèces de vigne. Mais elle s’est énormément complexifiée. En effet, de nos jours, le genre vitis vinifera lui-même comporte environ 10.000 espèces. Il serait pour autant faux de croire que toutes ces espèces sont entièrement dues à des mutations naturelles.
…marquée par la main de l’homme
Car lorsque l’homme a commencé à travailler la vigne, il a rapidement compris quel intérêt il avait à croiser différentes espèces de vitis vinifera afin de faire naître de nouvelles espèces, au goût et aux propriétés nouvelles . Le nombre des espèces s’est également intensifié car la vigne cultivée associe fleurs mâles et femelles alors que la vigne sauvage ne produit que des fleurs mâles.
Des combinaisons nouvelles ont alors vu le jour. Cohabitent donc espèces naturelles et genres créés de toutes pièces par l’homme. Mais seule une infime quantité de ces 10.000 variétés sert aujourd’hui à la production viticole. En effet, actuellement, une cinquantaine de variétés seulement – appelées cépages – assurent 95% de la production mondiale de vin.
2 Histoire de la viticulture
De l’Asie Mineure...
Les habitants de Çatal Höyük, première ville fortifiée connue et qui s’est épanouie au VIIe millénaire avant J.-C. en Asie Mineure, savaient déjà faire du vin. Des recherches archéologiques ont également pu montrer que la culture de la vigne et la production de vin existaient dans des territoires correspondant actuellement à la Géorgie, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, et ce, dès 6000 avant Jésus-Christ. Encore plus récemment, d'autres recherches ont prouvé que du vin avait été bel et bien vinifié dans la région des monts du Zagros, en Iran, 6000 ans avant notre ère.
On retrouvera par ailleurs la trace de vignobles un peu plus tard, en Palestine et en Egypte vers 3000 av. J.-C. Les méthodes de vinification étaient sans doute très sommaires puisque le vin produit était souvent amélioré en y ajoutant des herbes aromatiques (de l'anis en Egypte, miel et raisin secs pour les Romains), des épices ainsi que des fruits ou des fleurs. Concernant les dernière recherches archéologiques, (re)voyez ce Monvino show ici.
...Au bassin méditerranéen
Les grecs, aux alentours de 2000 av. J.-C. déploieront ensuite peu à peu tous leurs talents de viticulteurs sur l’ensemble du bassin méditerranéen au fil des siècles. Mais ils ne savaient pas encore produire un vin assez alcoolisé. Il ne fermentait pas systématiquement en cuve ou, en tous cas, pas suffisamment longtemps. Le résultat en était une mauvaise conservation. Pour palier ce problème, on ajoutait divers ingrédients, dont de l’eau salée. Le vin était ensuite mis dans des outres de peau.
Les Grecs exportèrent la pratique de la viticulture en Sicile et en Italie du Sud. Plus au Nord, les Etrusques amenèrent la vigne d’Asie Mineure et la plantèrent en Toscane. En Crète, la vigne avait également une grande importance et fut utilisée comme outil de gouvernement. En effet, les palais minoens contrôlaient la vie des crétois en gérant notamment la production et le stockage du vin.
Des Romains aux moines-vignerons
Il est probable que les Gaulois avaient commencé à planter quelques vignes par eux-mêmes. Mais c’est aux Romains que l’on doit d’avoir créé et organisé les plus grands vignobles français. Les Gaulois furent très rapidement d’excellents vignerons. Ce sont eux qui, en particulier, commencèrent à conserver le vin dans des fûts de chêne. Ils furent tellement habiles que, très rapidement, le sens des échanges commerciaux s’inversa avec Rome. Protectionniste, l’empereur Domitien, émit en 96 ap. J.-C. un décret qui limita fortement la culture du vin en Gaule.
Ce décret fut levé par l’empereur Probus en 280 et la viticulture reprit. Tout au long du Moyen Age, les moines, viticulteurs avisés, améliorèrent peu à peu leurs méthodes viticoles en modifiant les sols, en sélectionnant les espèces et en maîtrisant toujours mieux le cycle de production de la vigne.
Une viticulture mondialisée mais fragile
Les propriétaires aristocrates du début du XVIIe siècle commencèrent eux aussi à développer une grande partie des vignobles européens. Les Anglais, par exemple, mirent en valeur les vignobles de Jerez et de la vallée du Douro en Espagne et au Portugal. C'est en partie grâce aux revenus de ces vignobles que les anglais, aidés des Hollandais, créent et développèrent une large partie du Bordelais actuel au XVIIIème siècle. La viticulture débuta au XVIe siècle au Chili, au XVIIe siècle en Afrique du Sud, au XVIIIe siècle en Amérique du Nord et en Australie, partout où missionnaires et colons s’installaient.
Mais à partir de 1864, les vignes européennes furent peu à peu anéanties par l’action d’un puceron, le célèbre phylloxéra. Seul le greffage des cépages européens sur des pieds "porte-greffes" américains résistants au parasite permit, dans la première moitié du XXe siècle, le sauvetage et la restauration d’une viticulture européenne qui se modernisa ultérieurement.
3 Histoire de la consommation
De la jarre au cratère
Dès 3000 avant JC, une chose est sûre : les Egyptiens cultivaient la vigne et buvaient du vin, en plus de la bière, leur boisson nationale. Sur le Nil, le commerce de vin était alors très actif. Les bateaux pouvaient embarquer jusqu’à 2000 jarres de vin. Celles ci sont bouchées avec des capuchons de terre crue. Pour conserver le vin, on le soutirait fréquemment ou on le cuisait.
Les Hébreux buvaient également beaucoup de vin. Servi dans les banquets, ils utilisaient aussi le vin pour leurs liturgies. Chez les Grecs, le «présent de Dionysos» se buvait tout au long de la journée. Le vin pur (acratos) se consommait le matin, au petit déjeuner ou lors du déjeuner. Le soir, à part lors des libations portées à Dionysos, on coupait le vin. Il était versé dans une grande jarre - le cratère - et on le mélangeait avec de l’eau.
A Rome
Les Romains étaient, eux aussi, de grands amateurs de vin. Il était cultivé dans toute l’Italie, mais particulièrement dans le Sud où il était réputé pour sa capacité de conservation. Le vin était essentiellement bu lors de la «cena », le dîner. Le déjeuner – le prandium - ne se composait souvent que de fruits et de fromage accompagné d’un peu de vin souvent mêlé à des aromates. Car plus encore que les Grecs, les Romains ne buvaient jamais le vin pur. L’acte était en effet considéré comme barbare.
Conservé dans des amphores consolidées avec de la poix, le vin était l’objet d’un commerce organisé. Les étiquettes indiquaient l’origine de la récolte et son millésime. Mais surtout, les Romains inventèrent un procédé capital pour conserver le vin et ainsi le consommer plus aisément : le bouchon d’argile ou de liège.
Une ampleur grandissante
Les Gaulois buvaient depuis longtemps de la bière et de l’hydromel lorsqu’ils firent connaissance avec le vin. Celui-ci leur fut apporté, semble-t-il, par les Etrusques vers –600, puis par les Grecs installés à Marseille. Offrir du vin était pour les gaulois une marque d’hospitalité. Experts dans le transport et la conservation des boissons alcoolisées - le tonneau est une invention celte – ils firent du vin un grand commerce avec les peuples méditerranéens voisins.
Après la chute de l’Empire Romain, les invasions germaniques avaient entraîné une diminution de la production. Mais le vin, indispensable aux sacrements de l’Eglise chrétienne, sera produit par les monastères cisterciens, dominicains, bénédictins et templiers dans toute l’Europe. Entre le XIIe et le XVIe siècle, la consommation de vin connaîtra donc un nouvel essor.
Une consommation de masse
Mais ce dynamisme sera encore accru par la mise au point de deux innovations majeures. En effet, au XVIIe siècle, l’utilisation de la bouteille de verre se généralisera. Le bouchon de liège, inventé par les étrusques, mais oublié depuis la période romaine, sera, réhabilité au XVIIIe siècle. Le vin entrera alors dans un long cycle de consommation de masse. Dans les villes, au XIXe, l’eau est croupie et sa consommation est dangereuse. Pour les classes populaires, au fil des différentes révolutions industrielles, le vin occupera donc une place centrale.
Au point de devenir l’aliment de ceux qui travaillent dur. Mais l’augmentation du niveau de vie au XXe siècle fera évoluer le statut du vin d’aliment à celui d’agrément. Pour preuve, en France, où l'on buvait 200 litres de vin par personne et par an au début du XXe siècle, la consommation de vin s'établit à 58 litres en 2010. Dans des vins comme la Chine, depuis plusieurs années, la consommation de vin décolle car le vin y est considéré comme un signe extérieur de richesse. Est-ce l'avenir du vin dans le monde ? L'Histoire le dira...