Cap aujourd'hui sur le blog d'un authentique passionné de saké, Vincent Muller, animateur du site SAKE PASSION (cliquez ici), j'aime sa façon d'en parler, il répond à quelques-une de mes questions.
1. Quelle fut votre première grande émotion en buvant du saké? A quelle occasion, avec quel saké? Racontez-nous.
VM. Mon itinéraire découverte du monde des sakés s'apparente à un parcours semé d'embuches, un parcours chaotique...tout au moins au début. Il n'est, en effet, pas facile d'entrer dans cet univers quelque peu mystérieux et duquel très peu d'informations circulent dans un petit coin reculé au sud de la Belgique. Il n'existe à ce jour pas de littérature en langue française traitant des sakés japonais. Ce premier constat ne facilite pas la tâche...La seule littérature en la matière a été trouvée sur la toile, sur un site bien connu de vente de livres en ligne... Après avoir digéré ces premières lecture en anglais, je me suis mis en quête du divin breuvage, non sans mal.
Ma première grande émotion en dégustation a été une grande crainte... je me suis demandé si tous les sakés que je pourrais trouver seraient aussi mauvais que celui que j'avais choisi pour débuter: il s'agissait d'un saké de table de qualité médiocre acheté dans une épicerie asiatique d'une grande ville voisine. Etant amené à écrire une thèse de fin d'étude sur le sujet, je me suis demandé s'il ne valait pas mieux abandonner le sujet tout simplement et en choisir un autre dans le domaine du vin. Il aurait été certe plus classique mais quoi de plus normal que parler du vin pour un étudiant sommelier.
Grâce à la Toile, j'ai heureusement trouvé des sakés de bien meilleure qualité par la suite. J'ai gardé la cap... je me suis procuré des sakés de plus en plus prestigieux et chers mais aussi forcément meilleurs. Ma première vraie émotion positive à été la dégustation d'un Nigori saké (caractérisé par sa contenance en lies de riz puisque seulement grossièrement filtré). Il s'agit de Sayuri Nigori Junmai Ginjo... il m'a immédiatement séduit par sa fraîcheur et la douceur de ses parfums exotiques marqués par de légères notes de lait de coco. Déjà subjectivement séduit par la belle petite bouteille rose, je suis tombé sous les charmes olfactifs de ce beau saké. Ah, on se dit que ça valait la peine de ne pas baisser les bras un peu plus tôt. Quelle ampleur en bouche! Celle-ci s’entremêle de finesse, de subtilité et d’élégance. Il n’est pas simple de trouver les bons mots car les sensations vécues en dégustant ce saké n’appartiennent pas à celles que j'avais en mémoire.
Un deuxième moment marquant est un diner dans un restaurant japonais m'a permis de m'extasier sur un magnifique Junmai Daiginjo dont le nom m'échappe. Sur une patte de caille grillée aux épices japonaises, ce junmai daiginjo se révèle…au sens propre du terme. Il donne sa vérité, il existe sur ces épices… il en atténue les aspects légèrement amers sans jamais brutaliser la finesse de la chair tendre. Sa douceur épouse celle du gras restant –très léger- de la peau de la viande... une merveille. Ces moments restent gravés dans ma mémoire car ils m'ont démontrés preuves à l'appui que, dans le monde des sakés, tous les accords sont permis... il suffit d'un peu d'audace. Ces moments étaient le début d'un grande aventure gustative... une aventure qui continue au jour d'aujourd'hui...
2. Un néophyte doit-il s'initier avec un saké exceptionnel estampillé Daiginjo Junmai ?
VM. Commencer par un Junmai Daiginjo... ? Pourquoi pas ? C'est un quitte ou double :) Commencer par un Junmai Daiginjo, c'est commencer par le meilleur. Ca peut être un coup de foudre, l'extase immédiate. Ca peut aussi être tout le contraire... C'est une approche risquée à mes yeux. Je crois sincèrement que la dégustation de sakés nécessite un apprentissage gustatif. Nous n'avons pas de référence gustative de cette boisson...personne. La "première fois", c'est une expérience. Il faut habituer nos sens à ces arômes, ces saveurs et ces textures différentes mais surtout inconnues. Nul de pourrait apprécier le vin blanc en dégustant pour la toute première fois un vin jaune de Chateau Chalon; nul ne pourrait commencer à aimer le vin rouge en dégustant un Cahors ou un Bandol lors d'une toute première dégustation. Cette vérité n'est que bien plus vraie à l'approche du monde des sakés. Je prends actuellement beaucoup de plaisir à faire découvrir ces produits à qui ose y gouter et je constate que très rares sont les personnes qui "aiment" la première fois...le palais a besoin de se faire aux sakés.
3. Quels sont les accords mets-sakés les plus étonnants que vous avez réalisés ?
VM. Il y a trois semaines à peine, je dégustais des sakés avec des fromages. Étonnant... On peut facilement imaginer que des fromages affinés à pâtes dures tels que les comtés, souvent puissants aromatiquement, fruités, fleuris, puissent s’accommoder des arômes des sakés. Mais d'autres accords se sont révélés excellents avec des fromages au lait cru à pâtes molles mais par contre bien épicés. La déception est venue plus des essais effectués avec quelques chèvres frais dont le côté trop "lacté" à casser la structure du saké.
Une autre route va être explorée prochainement...celle du chocolat !
4. Au Japon, existe-t-il une Romanée-Conti du saké ? Quels sont les Domaines (Doit-on dire "domaines"?) mythiques, les grands maîtres qu'il faut chercher à rencontrer absolument ?
VM. Il existe de très grand sakés très rares, très chers...souvent couronnés de beaucoup de récompenses internationales comme celles attribuées par Monde Sélection. Après deux ans de pratique, je ne suis qu'un néophyte dans ce monde et je n'oserais affirmer, au vu de l'état actuel de mes connaissances, que tel ou tel maitre est le meilleur ou produit le meilleur saké... Une chose est sûre: il existe une très grande corrélation entre les prix et la qualité dans le monde des sakés. C'est une information importante car ce qui est très très cher s'approche forcément des sommets...c'est loin d'être la cas dans le monde du vin ...
5. Quelles sont les similitudes ou les différences marquées entre la dégustation d'un saké et celle d'un vin ?
VM. Les comparaisons avec le domaine du vin (et de la bière) sont multiples...les différences aussi. La première grande similitude est celle de la technique de dégustation analytique qui est exactement la même. Les termes utilisés pour décrire le produit peuvent aussi être semblables par exemple pour décrire les familles aromatiques (chimique, fruité, végétal, balsamique, etc), les saveurs (sec, doux), l'équilibre et le degré qualitatif (agréable, fin, élégant, etc)...les défauts (lourd, alcooleux). Par contre les différences sont marquées, elles aussi: en premier lieu, la matière première qui est le riz à savoir un grain sec dont aucun jus ne peut-être extrait et de ce fait le processus de fabrication ne peut être que différent (il s'approche plus de celui de la fabrication de la bière); en second, la couleur car dans la majorité des cas le saké est transparent et celle-ci n'apporte, par conséquent, aucune information quant à l'origine, l'âge, la sorte de riz au dégustateur, même averti. Enfin, la notion de terroir n'existe pas. Le riz à saké peut avoir été cultivé à Kobe et être transporté à Niigata pour y fabriquer le saké. Très peu de kura cultivent elles-mêmes le riz qui va leur servir à produire leur saké. Le facteur de différenciation vont plutôt être la qualité du riz, la qualité de l'eau et des levures mais pas l'endroit ou le sol et le climat qui ont servi à produire la matière première.
Un grand merci à Vincent Muller pour ces éclaircissements...qui ont excité nos papilles. Je vous recommande d'aller sur son blog Saké Passion.
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Kampaï.